Comment j'en suis arrivée là ?
- Vérane
- 20 févr. 2018
- 7 min de lecture
L’errance du diagnostic :
Aout 2013 : Tout a commencé lors une balade à vélo qui m’a anormalement essoufflée. Le lendemain, je suis réveillée par une douleur inouïe dans le dos à gauche irradiant jusqu’à la nuque. Une douleur telle que je ne pouvais pas rester couchée, éternuer, rire ou me déplacer en voiture. Le généraliste opte pour une névralgie, mon compagnon un manque d’entrainement, l’ostéopathe le stress alors je prends sur moi. Cette douleur disparait puis réapparait. Je m’adresse à un nouveau médecin qui me suggère des anxiolytiques. Je sais que ça n’a rien à voir. Je vois un autre médecin qui enfin me prescrit mes 1ers examens. Après encore quelques mois d’errance, le diagnostic tombe après une scintigraphie : embolies pulmonaires distales bi-latérales avec infarctus pulmonaire gauche. On me demande de ne plus poser le pied par terre et d’aller aux urgences en ambulance. C’est quoi ce cirque !? Personne n’a voulu me croire et maintenant c’est une question de vie ou de mort ? Je proteste et je me rends aux urgences à pieds. Les médecins sont très surpris (voire suspicieux). Ils examinent mon dossier. Ils ne sont pas sûrs, le tableau n’est pas classique car le scanner ne retrouve pas d’embolies pulmonaires et j’ai « l’air » bien. Ils finissent par confirmer le diagnostic et m’envoient pour mon 1er séjour en USIP. Je suis mise sous Xarelto, je dois arrêter la pilule (seul facteur de risque retrouvé) et je devrais être régulièrement suivie. Ainsi soit-il.
La rechute et la perte de confiance :
3 mois plus tard, cette terrible douleur revient, à droite cette fois. J’ai tellement mal que le moindre changement de position m’arrache un cri de douleur. Je vais aux urgences et une fois encore, on ne voit pas d’embolie sur le scanner alors je sors de l’hôpital avec un antalgique. (C’était en fait un nouvel infarctus pulmonaire).
On ne m’écoute pas alors je me dis que ça ne doit pas être si grave. Pourtant, je me sens fatiguée, je passe la moitié de mes week-ends couchée. Mes copines pensent que je deviens casanière ou que je reste avec mon mec. Je me sens mal, je n’ai plus confiance dans mon corps qui me lâche au moindre effort. Moi, j’ai juste envie qu’il se la ferme et qu’il avance comme pour tout le monde. Pourquoi les autres y arrivent et pas moi ?
Le déni ?
Plus tard, on évoquera la nécessité éventuelle de faire un cathétérisme cardiaque mais la volonté (la rage ?) qui m’anime rend ma performance à l’épreuve d’effort « normale ». Pourtant je suis très essoufflée et je désature. On m’explique que c’est JUSTE des séquelles. Je demande ce que je peux faire pour compenser, pour améliorer ça. On me répond : « vous ne comprenez pas le sens du mot séquelle ? » Le message est reçu 5/5. Je dois « simplement » vivre avec.
Je poursuis donc ma vie mais je ne peux plus courir, je suis essoufflée quand je monte les escaliers. Je fais un peu de sport mais mon cœur bat si fort que je suis obligée d’arrêter au bout d’un moment. Parfois je me sens comme dans du coton, je me sens flottée, mon cerveau est embrumé, parfois je bafouille ou je me trompe de mot. Les gens autour de moi en rigolent, pas moi. Je me sens nulle ! Les symptômes s’aggravent puis s’améliorent ça dépend des jours.

Je ne veux pas être malade, je ne veux pas être différente, je veux être la meilleure, j’ai envie de faire le maximum, de vivre à fond. Je travaille beaucoup, je suis souvent en déplacement, je pars en voyage, je veux pouvoir tout faire comme quelqu’un de « normal ». Mon copain ne comprend pas cette envie, il me dit de me reposer mais au fond de moi j’ai l’impression qu’un jour je ne pourrais plus le faire et qu’il faut en profiter maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
L’aggravation.
Je refais une épreuve d’effort et on trouve un bronchospasme, le pneumologue croit avoir trouvé l’origine de mon essoufflement : l’asthme. Je suis mise sous traitement. Au début, ça me soulage un peu mais quand je marche dans la rue, j’ai parfois l’impression que je ne peux plus respirer, je ne peux plus parler quand je porte ma valise (et pourtant je suis bavarde !), je suis essoufflée quand je marche entre mon bureau et celui de mon chef. Je viens de démissionner et je m’apprête à changer de vie, ma mère et ma grand-mère sont malades et j’ai beaucoup de travail alors je prends mes bronchodilateurs et je continue d’avancer jusqu’à… ce que ça ne soit plus possible.
Mai 2016 : Je suis en déplacement en Espagne et je suis extrêmement essoufflée, je ne peux pas rester debout, mon cœur bat tellement fort que je suis obligée de m’assoir, mes jambes sont sciées. Je ne veux pas que ça se passe comme ça. Je ne veux pas mais je n’ai plus le choix. Je vais aux urgences à Barcelone. Le regard et le sourire de l’infirmière me font comprendre que cette fois-ci c’est plus sérieux. Elle pose sa main sur mon épaule et elle me met un masque à oxygène. Ils mettent en évidence une insuffisance respiratoire sévère mais le scanner est négatif : pas d’embolie. Là, je revois le cercle infernal se redessiner alors je sors de l’hôpital contre avis médical. Le médecin me dit : « It’s risky for your life » mais je pars. Un collègue me pousse dans un chariot à bagages pour que je puisse prendre l’avion. Aux urgences à Paris, j’ai droit à : « vous n’avez pas l’air si dyspnéique » / « vous n’avez pas d’embolie pulmonaire » / « vous devriez rentrer chez vous ». Et là : NON ! ça suffit ! On me fait une écho-cardiaque et là bingo : j’ai un cœur pulmonaire chronique. 14H après mon arrivée, j’ai gagné le droit de monter dans un service. Je suis tellement fatiguée.
Le verdict
Au bout de 4 jours, le verdict tombe : HTAP Post-Embolique. Je passe de séquelles avec lesquelles on doit vivre à maladie rare et grave qui peut encore évoluer et me tuer. La grossesse est proscrite, je ne vais pas pouvoir commencer ma formation la semaine prochaine, il va falloir que je me repose (longtemps), je vais devoir adapter ma vie en fonction de ma maladie et vivre avec de l’oxygène 24H/24. Mon monde s’écroule mais je ne craque pas totalement. Quelque part je suis même soulagée. On reconnait enfin que j’ai quelque chose et tout s’explique ! L’essoufflement, cette sensation de flottement, le cœur qui bat trop fort : c’est le manque d’oxygène. J’ai le droit de me reposer et j’ai un nouveau projet : me soigner. On va mettre en place un traitement, je vais tout faire pour m’en sortir. Je ne peux aller plus mal de toute façon. Enfin j’espère.
L’incertitude
Le stress et l’angoisse m’envahissent, j’ai des nouvelles douleurs dans le thorax, je suis terriblement essoufflée au moins effort, j’ai le cœur qui bat à 10 000. Est-ce que la maladie s’aggrave déjà ? Est-ce qu’à chaque fois que je tire un peu sur la corde j’empire la situation ou est-ce qu’au contraire cela me permet de devenir plus solide ? Avec l’oxygène, j’arrive quand même à faire du vélo en tandem avec mon père, à nager dans les vagues. Tout n’est pas perdu, j’ai encore des choses à vivre. Je les savoure avec plus d’intensité. Des choses anodines me paraissent maintenant extraordinaires.
Mon 1er KT de contrôle est positif, l’HTAP régresse avec le traitement (Adempas). Super nouvelle ! Mais pour l’oxygène alors ?
Mon salut : Les angioplasties

On se lance dans les angioplasties. De Novembre 2016 à Mars 2017, j'enchaîne les séances. C’est très difficile. Ça me fatigue énormément, j’ai mal, j’ai froid, je crache du sang, je stresse, mais après chaque intervention je sens une amélioration donc c’est positif. Je suis pleine d’espoir.
Ma vie tourne autour de ça. Je vais à Paris, on fait un contrôle, on fait les interventions, je dois me reposer, je récupère, j’y retourne. Je regarde autour de moi et je vois que mes amies font des enfants, achètent une maison, partent en vacances, ont une vie normale. Pourquoi pas moi ? Tant pis, je suis occupée à me sauver, j’aurais le temps après. Après les 4 premières séances, le résultat est vraiment encourageant. On me conseille de retirer l’oxygène pour la vie quotidienne et de le conserver uniquement à l’effort : JOIE. BONHEUR. DELIVRANCE. Je sais que l’HTAP rôde mais j’ai l’impression d’avoir gagné.
La détresse
Je fais des projets : partir à Londres et aux Etats-Unis. Un an après le diagnostic, je reprends le travail, bon ok à mi-temps et en télétravail mais c’est déjà ça. La vie reprend le dessus. C’est difficile car je ne suis pas à 100% de mes capacités mais je peux faire « illusion ». Je reprends confiance.

Mais la chaleur revient et je fonds comme neige au soleil, je suis plus faible de jour en jour. Je vais à Londres mais je souffre beaucoup. Mon bilan en juillet 2017 confirme mes sensations, les pressions sont remontées, aussi haut qu’au moment du diagnostic. Cette fois, je prends une bonne grosse baffe dans la figure. Je vois que mon pneumologue est ennuyé, un médecin de garde me parle de greffe comme avenir. Le désespoir s’empare de moi, je ne vois comment remonter cette pente. La chute est trop brutale. Ma vie ça sera la maladie alors ?! On refait 2 angioplasties mais j’en ressens à peine le bénéfice. Je dois annuler mon voyage aux Etats-Unis. Je souffre de la chaleur de l’été, je suis très essoufflée, j’obtiens quelques victoires comme celle de ramer en canoë mais je vois bien que tout le monde doit s’adapter à mon rythme, je ne veux pas être un boulet. Je me regarde dans la glace et je vois ce fil d’oxygène… Je ne veux pas de tout ça ! Je m’enfonce.
Vers l’acceptation ?
Petit à petit, je me relève et l’espoir revient. Mes derniers bilans confirment que la situation s’est améliorée. Il y a des bas mais après vient toujours un haut, c’est donc globalement stable. Tant que c’est comme ça, ça ira. L’oxygène 24/24 a l’air de me protéger et me permet de faire des choses. J’ai pu partir à Venise en décembre et profiter quasiment comme je l’aurais fait « avant ».
Aujourd’hui je ne sais plus où j’en suis. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, je ne sais plus qui je suis, quels sont les nouveaux rêves à poursuivre, mes objectifs dans la vie. Je ne sais pas si je pourrais fonder une famille, si je serai là dans 10 ans. Ma seule certitude est que je n’ai pas envie de laisser cette maladie prendre le dessus. Je veux que cette expérience serve à quelque chose, qu’elle fasse de moi quelqu’un de plus ouvert, de plus positif, de plus heureux.
En attendant de trouver ma nouvelle voie, je pédale sur mon vélo, je me ré-entraine à l’effort et j’essaie de me souvenir qu’il y a encore un an et demi, me laver les cheveux était un vrai marathon. Alors positivons !

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